L'exode de 1940

Hier au soir j'ai regardé un documentaire sur l'épisode tragique de l'exode en 1940, plusieurs millions de personnes obligées de fuir leur pays ou leur région, marcher durant des jours et des jours sur les routes ou les chemins, à pieds, sur des carrioles tirées par des chevaux fourbus, parfois en poussant une remorque... Des femmes, des enfants, des personnes âgées... Je n'oublierai jamais l'une des photos que j'ai vu dans ce document, où l'on voit une mère fixant l'horizon avec inquiétude, avec angoisse et incertitude, son enfant sur les genoux... J'ai été très ému par cette scène, et tant d'autres. Cette image résumait bien à elle seule toute l'absurdité et l'injustice de la situation...

Et comme le disait la voix qui commentait à la fin : cela arrive encore aujourd'hui, des milliers de gens fuient la guerre, la misère, cela se reproduit constamment, et c'est intolérable, révoltant. Des êtres humains qui n'ont rien demandé, qui subissent, et espèrent...

Mes parents n'ont pas connu l'exode, mais ils auraient pu ! En 1940 ils avaient respectivement 6 et 7 ans, s'ils étaient nés dans une région plus septentrionale ils auraient sans doute du faire comme eux. Mon grand père paternel s'est quand même retrouvé prisonnier en Allemagne pendant la guerre, un épisode marquant pour mon père.

Moi aussi j'ai regardé ce documentaire et ai été très émue. Quelle horreur ! La photo de la mère fixant l'horizon avec inquiétude, avec angoisse et incertitude, son enfant sur les genoux m'a également particulièrement touchée.

C'est quelque chose qui me bouleverse profondément, son regard c'est un regard qui exprime toute la détresse et l'incompréhension devant l'innommable barbarie nazi, et son enfant qu'elle protège, auquel elle pense sans doute intensément, c'est vraiment trop émouvant... Mes parents étaient enfants à cette époque, et ils m'en ont raconté des histoires, des souvenirs...

Un épisode marquant pour mes parents. J’ai du mal à imaginer tout ce qu’ils ont vécu...il habitaient en Moselle.

Ah oui c'était un département plus touché que le Vaucluse, mes parents sont nés ici et y ont toujours vécu, et c'est vrai qu'ils n'ont pas eu à vivre cela. Ils ont vécu la présence des allemands, les bombardements, mais n'ont pas quitté leur région d'origine.
Tes parents sont nés en quelle année Kristel ? Les miens n'avaient qu'un an d'écart, ma maman est née en 1934 et mon papa en 1933. Ils avaient donc 6 et 7 ans à ce moment là...
En revanche ils avaient des souvenirs plus précis de la suite de la guerre, puisqu'ils avaient 9 et 10 ans, notamment de la libération de la Provence en août 1944, le débarquement à Toulon.

Ils me parlaient toujours de ce pain infâme qu'ils avaient été contraints de manger parfois, ils me disaient que c'était innommable, mais il fallait bien manger. Bon, ce n'était pas toujours la disette, mais il y avait les tickets de rationnements... L'âge d'or pour mes parents c'était les années 50, leur jeunesse, ils m'ont toujours décrit cette période comme la plus heureuse de leur vie.

Mes parents et grands parents n'on pas connu l' exode sur les routes car les Pyrénées Atlantiques (Basses Pyrénées comme on disait à l' époque) n' étaient pas l' objectif des nazis en 1940
Après l' armistice les occupants  ont défini une zone libre et une zone occupée (un e bande de 100 km depuis la côte Atlantique) et, fait particulier, la ligne de démarcation passait  théoriquement par ce qui est aujourd'hui le salon de ma maison natale. C' est assez spécial
Pendant la guerre, ma grand mère et mon père pouvaient vivre dans la maison mais pas aller dans le fond du jardin.
Mon grand père, lui, a connu l' enfer des camps et n'est rentré qu' en 1944 après une 6ème évasion.
Avec lui, les nazis en ont bavé; c'est qu'il avait la bougeotte, l' ancien et, en plus, il n' était pas très discipliné, selon les critères allemands

"Tes parents sont nés en quelle année Kristel ? "

Mon père est né en 1932 et ma mère en 1934, il est parti avec une taie d’oreiller comme bagage en Charente et ma mère en Gironde.
Il a connu l’école allemande et française. Avec sa famille ils ont pris le train, ma grand-mère pleurait car ils n’avaient pas le droit de prendre leur chat...une fois dans le train elle a vu des gens qui avaient pris des poules.
Il me disait qu’ils n’étaient pas les bienvenus, mais que lorsqu’ils sont rentrés chez eux les gens pleuraient...
Il me parlait aussi de Noël avec des oignons pour décorer le sapin,
les lits avec de la paille.
Il me racontait aussi que sa classe était bombardée, il se trouvait avec son frère dans une autre classe, ils étaient punis. Il a fallu enjamber les corps de ses petits camarades pour s’enfuir...il n’a jamais lâcher son cartable en carton, son frère avait abandonné le sien en cuir.

En 1981 je suis partie en vacances en Bourgogne avec les parents d’une amie. Les voisins de sa grand-mère, en voyant le 57 sur la plaque d’immatriculation de la Renaud 12 beige, se sont écriés :
<<- voila les casques à pointes qui arrivent !>>

Et bien quelles histoires Kristel et Marc...

Oui nous sommes vraiment de la même génération Kristel, nos parents avaient exactement le même âge. Ils ont connu la même période durant cette enfance partagée, mais bien sûr dans des régions différentes. Les miens sont hélas décédés depuis deux ans, et je n'ai pas connu mes grands-pères...

Cette guerre, comme toutes les guerres, étaient atroce, mes parents avaient manqué de tout, mais pas d'amour de leurs parents ! Ca c'est quelque chose qui est resté très présent chez eux, malgré la guerre leur enfance avait été relativement heureuse. Ici, surtout dans le village de ma mère, c'était relativement calme, il y avait bien quelques mouvements de temps à autres mais cela n'était en rien comparable avec ce qui pouvait se passer dans le Nord. La seule chose vraiment terrifiante dont mon père se souvenait c'était les bombardements alliés sur les dépôts des chemins de fer en Avignon, il avait été marqué par cela, ce qui est compréhensible. D'ailleurs il en avait gardé des traces...

Ce qui n'a pas empêché leur rencontre dans un bal en 1955 ! A l'époque c'est ainsi que démarrait les histoires, souvent.

On a quasiment le même âge Psycholive J’ai aussi perdu mes parents, j’avais 24 ans pour ma mère et 42 pour mon père.
J’ai seulement connu 1 grand-père qui vivait avec nous pendant 14 ans, mais il ne parlait jamais de la guerre.

Oui les bals de cette époque...j’en ai aussi entendu parler. Les hommes invitaient les dames à danser
Mes parents se sont mariés en 1956. Je viens d’une famille de mineurs de fond, du charbon et j’ai trouvé sur YouTube des archives où on voit furtivement, ma maman sortir de son jardin pour aller chercher du pain ou du lait chez le marchand ambulant, elle avait moins de 20 ans.

c'est triste d'avoir perdu ses parents si jeune christel

Oui Norma...j’étais trop jeune et enceinte de 5 mois, mon premier bébé.

oui à 24 ans, en plus quand on va avoir un bébé, on aime avoir les conseils de sa maman, c'est bien trop jeune pour perdre un parent, bon après y a pas d'ages, ça fait toujours mal de perdre un parent

C’est vrai qu’il n’y a pas d’âge Norma. Je me souviens de la fille d’une résidente de l’Ehpad, elle avait plus de 70 ans et me téléphonait pour me confier sa peine à l’idée de perdre sa maman de 102 ans
Quelque temps plus tard, j’ai appris qu’elle avait perdu ses 2 filles, c’est bien pire à mon avis.

Kristel a écrit:C’est vrai qu’il n’y a pas d’âge Norma. Je me souviens de la fille d’une résidente de l’Ehpad, elle avait plus de 70 ans et me téléphonait pour me confier sa peine à l’idée de perdre sa maman de 102 ans
Quelque temps plus tard, j’ai appris qu’elle avait perdu ses 2 filles, c’est bien pire à mon avis.

Oui ! Comme quoi . Je suis d'accord avec toi Kristel, perdre ses deux enfants ce doit être assez atroce. Mes parents avaient 84 et 85 ans quand ils sont partis, c'est un peu plus dans "l'ordre des choses" quand même...

C'est super de pouvoir disposer d'un tel document Kristel ! De voir sa maman sur un film comme ça ce doit être émouvant...

Quand j’ai découvert cette pépite je m’attendais à retrouver des souvenirs d’enfance, des lieux familiers mais j’étais loin d’imaginer voir la maison de mes grands-parents, où j’ai grandi et encore moins ma maman ! J’ai regardé l’image en boucle et j’étais frustrée de ne pas en voir davantage
Un voyage dans le temps, oui j’aurais voulu la suivre, la découvrir à cette époque...l’entendre discuter avec ses voisins etc.

Et c'est déjà un "travail" tissé de tendresse et de nécessité qui t'est utile Kristel, le fait que tu gardes ce lien en élaborant ces images mentales est important selon moi.
Tu me permets ? :

En ces temps de distanciation ce n’est pas recommandé, mais ça fait un bien fou, alors oui je permets

Kristel a écrit:En ces temps de distanciation ce n’est pas recommandé, mais ça fait un bien fou, alors oui je permets

On reste tous en contact et flûte au virus !

Oui ! Et un jour viendra où nous pourrons nous faire de vraies accolades, on y croit !

Psycholive a écrit:Oui ! Et un jour viendra où nous pourrons nous faire de vraies accolades, on y croit !

J'ai lu ''de vrais acrobates''...

Oui aussi Happy ! Mais je manque de souplesse à ce niveau...

Exposition : la Moselle Déracinée, une page d’histoire de notre territoire au cœur de la FIM

J’ai mes billets d’entrée, je verrai en image les histoires que mon père me racontait

Le pire crime commis pendant cet épisode c'est de voir ces colonnes de civils mitraillées par les Stukas allemands

Ce qui était terrible c'était qu'ils étaient obligés de fuir oui...mais pour aller où ?? C'était quasiment partout pareil