Quand la rivalité perdure...
Les conflits infantiles entre frères et sœurs se résolvent généralement à l’adolescence, « deuxième chance de devenir le frère ou la sœur de son frère ou de sa sœur », affirme le pédopsychiatre Marcel Rufo. Pourtant, ils perdurent parfois à la maturité, où ils resurgissent régulièrement à l’occasion de discussions plus ou moins houleuses. Comme si les protagonistes n’avaient pas vraiment grandi. Pourquoi est-il impossible pour certains de faire la paix à l’âge adulte ? L’inconscient ignore le temps, nous apprend la psychanalyse. En lui, les rivalités et les rancœurs de l’enfance demeurent intactes, prêtes à rejaillir. Surtout si les relations familiales ont été particulièrement toxiques, ou si l’individu adulte tient à camper sur son hostilité d’enfant, refusant obstinément de lâcher prise, donc d’évoluer. Voici quelques situations types qui condamnent à se détester au fil des ans !
« Ma sœur n’aurait jamais dû naître »
« Dès que ma mère est rentrée de la clinique avec elle, je l’ai détestée, déclare Eugénie, 33 ans. J’avais 21 mois. Je me souviens qu’elle l’a posée sur mon petit lit et que j’ai hurlé : “Mon dodo, je veux mon dodo, enlevez bébé.” Aujourd’hui, entre nous, c’est silence radio, aucun contact. » Pour évoquer le choc provoqué par l’arrivée de sa cadette, Eugénie retrouve sa voix de petite fille, émue comme si le « drame » s’était produit hier. Pourtant, explique Sylvie Angel, psychiatre, psychanalyste et thérapeute familiale, « des souvenirs si précis remontant à l’âge de 21 mois, c’est impossible. Ce sont les parents qui ont rapporté cette histoire, en ont fait un mythe familial et, par là même, plus ou moins consciemment, ils ont entretenu l’hostilité entre les deux filles ». Curieusement, en effet, certains parents immatures trouvent leur compte dans les rivalités fraternelles : c’est une façon de continuer à régler leurs comptes avec leur propre fratrie. Toutefois, l’idée selon laquelle son frère ou sa sœur est un usurpateur ou une usurpatrice – un double à éliminer – serait de plus en plus répandue. « Dans les familles traditionnelles de six enfants et plus, chacun avait une place bien définie. Aujourd’hui, dans les fratries de deux ou trois, les frères et sœurs sont avant tout des rivaux », assure la psychologue Françoise Peille.