Pure santé
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Je suis une hyper-ruminante et vous ??
Vous partez souvent en « sucette » ?
Je suis sûr que vous faites parfois ce curieux voyage.
Vous êtes en train d’éplucher des carottes, d’attendre à un feu rouge, de regarder le paysage qui défile à la fenêtre d’un train. Et soudain, sans que vous vous en rendiez compte, vos pensées vous débordent, elles quittent l’instant présent.
Vous ne percevez plus rien de ce qui vous entoure. Les sons, les images, c’est comme si quelqu’un avait appuyé le bouton off de la télécommande.
Vous entrez alors dans un monde différent.
Ce monde peut être magnifique, peuplé d’images agréables ou émouvantes.
Mais il peut aussi être noir, lourd, violent. Habité de pensées obsédantes qui viennent faire l’assaut de votre forteresse mentale.
Des événements de votre vie y sont revus sous un angle négatif.
Par exemple, vous avez envoyé un email à un ami qui ne vous a pas encore répondu…
Et là, c’est parti. Ça commence doucement : « Bon, il exagère, quand même ». Et puis vous montez d’un cran : vous vous dites que « c’est parce qu’il vous méprise… »
Un instant, la raison essaie de vous convaincre : « Mais non, tu te trompes, c’est juste qu’il n’a pas eu le temps de te répondre… ». Mais c’est inutile, les digues ont cédé, vous montez à nouveau d’un pallier : « dans le fond, il m’a toujours méprisé ». Et encore un cran : « ce c… n’a jamais été mon ami, d’ailleurs la prochaine fois que je le verrai, je vais lui remettre les pendules à l’heure. Lui, il a toujours tout eu sur un plateau alors que moi, etc… »
WOOWOWOOW, on se calme !!!!
Je vous rappelle qu’au début de cette lettre, vous épluchiez tranquillement des carottes… et là, vous êtes en train de « partir en sucette » tout seul .
Les psychologues, eux, appellent ça des ruminations.
Au lieu de chercher la façon dont on pourrait résoudre une situation, notre esprit se concentre sur les questions qu’elle engendre et les inquiétudes qui y sont liées.
« Nos pensées négatives gonflent comme une pâte avec de la levure. Au début, elles se focalisent sur l’événement qui vient d’avoir lieu, puis, peu à peu, elles glissent vers d’autres situations du passé, du présent, brassant pêle-mêle nos doutes les plus intimes », explique Susan Nolen-Heksema, professeur de psychologie de l’université du Michigan.
Une étude qu’elle a conduite sur 3000 personnes choisies au hasard a découvert que 63 % des jeunes adultes et 52 % des personnes de plus de 40 ans ont régulièrement ces ruminations (on les appelle des overthinkers en anglais, littéralement ceux qui pensent trop).
Pour Susan Nolen-Heksema, c’est une « manifestation d’hypersensibilité » qui entraîne « des torrents de préoccupations », et qui peut conduire à la dépression ou à l’angoisse chronique .
Techniques pour redescendre sur terre
Aussi vite qu’elle est arrivée, la rumination peut repartir.
On se retrouve alors à nouveau dans l’instant présent, son épluche-carotte à la main… Un peu éprouvé (et un peu honteux) quand même.
D’autant que cela ne veut pas dire qu’on en a fini avec la rumination. Si l’on ne fait rien, elle ressurgira bientôt pour nous emprisonner dans des sentiments comme la colère, l’amertume, la jalousie. Et il ne faut pas se tromper. La victime de ces sentiments négatifs, ce n’est pas cet ami qui tarde à répondre et à qui l’on s’en prend, c’est nous-même.
Alors, que faire ?
La première technique consiste à poser son esprit ici et maintenant.
C’est ce qu’on appelle la méditation pleine conscience.
Plusieurs fois par jour, on peut arrêter de faire des choses, et se concentrer sur ce que nous sommes à l’instant présent. Cela consiste à :
Ecouter son cœur battre
Sentir sa respiration
Sentir ses membres, ce qu’ils font (mon bras est étendu le long de mon corps, les doigts de ma main caressent ma hanche etc. )
Regarder vraiment ce qu’il y a autour de soi
Ecouter les sons, les détailler
Etc.
Les études ont montré que ces petits décrochages, qui ne durent que quelques minutes, nous familiarisent avec notre monde intérieur et diminuent le risque de chute (ou rechute) dépressive ou anxieuse.
Un autre exercice intéressant est d’écrire tous les jours son journal intime ou, pour parler un petit peu haut de gamme, devenir diariste :
« Le diariste se prend lui-même comme objet d’observation, d’enregistrement, d’analyse et de jugement. Il se place en retrait des autres, séparé de la société et même de ses proches [3]. ».
Voici ce qu’écrivait le diariste Maine de Biran (1766-1824) à propos de son journal intime :
« Je suis seul, près de mon feu, retenu dans ma chambre par un froid très piquant survenu dans la nuit […]. Puisque je n'ai rien de mieux à faire, que je suis incapable en ce moment de me livrer à aucune étude suivie, il faut que je m'amuse à réfléchir sur ma position actuelle, sur l'état de mon cœur, dans cette époque de ma vie… »
Certains diaristes, comme Benjamin Constant, vont jusqu’à rédiger leur journal avec des caractères cryptés pour que les lecteurs éventuels ne puissent pas le déchiffrer. La liberté est alors totale : il est possible de tout dire dans le secret de son journal puisque ce qui est écrit n’est pas destiné à une communication sociale.
Ce travail de clarification, qui ne prend pas plus de 5 à 10 minutes, a des vertus thérapeutiques encore largement insoupçonnées.
Reprenons l’exemple de cette rumination à l’égard d’un ami un peu lent à répondre. Voilà ce qu’on pourrait écrire à ce sujet dans un journal intime.
« Cher journal,
Aujourd’hui j’ai pensé à François, à qui j’ai envoyé un email et qui ne m’a pas encore répondu.
Son silence m’a mis en rage. Je me suis dit qu’il se moquait de moi, qu’il me méprisait, que c’était la preuve qu’il n’avait jamais été mon ami. J’ai pensé que cela n’a rien d’étonnant dans le fond : pour lui, la vie est facile, alors que pour moi… J’ai pensé : voilà un homme qui prend les choses et les gens quand ça l’arrange, et qui les jette ensuite ».
En écrivant ces lignes, on mesure mieux à quel point ces pensées sont excessives, déconnectées de la réalité.
Le fait de les consigner dans un journal les fait apparaître telles qu’elles sont, nues, débarrassées des justifications qu’on cherche à leur donner mentalement.
Une fois que c’est écrit on se dit : « c’est du grand n’importe quoi, mais qu’est-ce qui me passe par la tête, parfois ???? »
Il est alors plus facile de prendre un peu de distance avec ces ruminations et de choisir, , de ne plus les nourrir, pour ne pas les faire grandir.